L'histoire de la botanique
Si Aristote est le fondateur de la botanique (vers 347 av. J.-C.); c'est à Théophraste que l'on doit le plus ancien ouvrage qui soit resté (l'Histoire des plantes, composé en 320 av. J.-C. A peine née, cette science a rapidement décliné. Ni les successeurs de Théophraste, ni les naturalistes romains ne lui ont fait accomplir de progrès. Au Moyen âge, et spécialement dans le monde Arabe, on s'intéresse surtout aux usages médicinaux des plantes. Vers la fin du XVe siècle de notre ère, c'est-à-dire avec l'effervescence tous azimuts qui définit la Renaissance, l'étude des plantes prit une nouvelle activité, et au siècle suivant parurent les travaux de Fuchs, Bock, des frères Bauhin, Césalpin et de plusieurs autres. Les travaux de Tournefort (fin du XVIIe siècle) servirent de modèle à Linné qui basa sa classification des plantes sur les différences des étamines et des pistils (1733), et son système fut dès lors adopté et resta en usage dans toutes les écoles de botanique. Linné imagina le système binomial de nomenclature, désignant chaque plante par un nom générique et spécifique.
Après Linné, Bernard de Jussieu adopta un arrangement d'après les affinités naturelles des plantes que publia son neveu, Antoine-Laurent (Paris, 1789). Les botanistes ultérieures ont apporté de nombreuses modifications au système de Jussieu. Candolle, dans son Prodromus Systematis Naturalis Regni Vegetabilis, description de toutes les espèces connues (ouvrage commencé en 1818 et terminé en 1876), adopte les séries descendantes; c'est-à-dire qu'il décrit d'abord les végétaux dont l'organisation est considérée comme la plus complète et qu'il passe ensuite à ceux qui sont d'une structure plus simple. John Lindley, dans son Vegetable Kingdom (1846), adopte, au contraire, les séries ascendantes. Le Genera Plantarum de Hooker et Bentham (1er vol. 1867), restera ensuite pendant quelque temps le guide pour l'établissement des herbiers et des flores locales. A la mort de Linné, en 1778, on avait décrit 11 800 espèces de plantes; on en connaît environ 100 000 à la fin du XIXe siècle. Il pourrait y en avoir aujourd'hui plus du triple.
Les principes établis par tous les naturalistes, depuis Jussieu et son concept de subordination des caractères, ajoutés à ceux introduits par les idées évolutionnistes, articulés autours du concept de phylogénie, sont la base toutes les classifications des végétaux publiées jusqu'à nos jours. Parallèlement à ces préoccupations systématiques, d'autres approches ont investi la botanique à partir de la découverte du microscope (vers 1624). On s'est ainsi intéressé à l'anatomie des végétaux, dont les fondateurs, au XVIIe siècle, sont Malpighi et Grew. En 1667, Hooke découvre la cellule. Mais il faudra encore attendre le XIXe siècle, pour qu’Oken (1805) et Schleiden (1838), mettent sur pied la théorie cellulaire. Celle-ci restera inchangée dans ses grandes lignes jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle, quand de nouvelles techniques d'investigation (microscope électronique), et de nouvelles approches (biologie moléculaire), conféreront à la botanique son visage actuel.
On considère Aristote comme le fondateur de la botanique (IVe siècle av. J.-C.). Ses divers écrits sur les végétaux, notamment sa Théorie des Plantes, ont été perdus, mais les quelques fragments qui en restent en donnent une petite idée. A côté de nombreuses idées hypothétiques ou erronées, énoncées dans divers mémoires, Aristote a notamment émis une opinion forte juste an sujet de l'analogie de l'embryon animal avec l'embryon végétal, de la séparation des sexes dans certaines plantes, de leur durée, etc. Des disciples d'Aristote qui cultivèrent la botanique, Phanias, Dicéarque et Théophraste, le dernier seul a laissé, 350 ans avant notre ère, deux ouvrages importants : une Histoire des Plantes et Causes des Plantes, tous deux objets de nombreux commentaires et souvent réédités.
Bien que, dans ces ouvrages, Théophraste n'ait été inspiré par aucune méthode digne de ce nom, il faut reconnaître qu'il sut apporter dans l'étude des végétaux des idées en grande partie dépourvues des préjugés de son époque et, en affirmant que la nature agit conformément à ses propres plans, et non dans l'intention d'être utile aux humains, il pensait en véritable naturaliste. Il créa des termes nouveaux pour désigner des modifications particulières de la structure végétale; il parle clairement de la fibre ligneuse et du parenchyme du bois, en donnant à ce dernier le nom de chair; enfin, il décrit exactement la différence qui existe entre le bois du Palmier et celui des arbres à couches concentriques. Ainsi, en fait, la découverte de la différence qui existe entre le bois des Dicotylédones et des Monocotylédones, s'avère vieille d'environ vingt-deux siècles, quoique ce soit seulement le début du XIXe siècle qu'on a fondé sur elle la grande division systématique des végétaux phanérogames. Le nombre des plantes qu'il a énumérées et en partie décrites est d'environ cinq cents, toutes de la région orientale du bassin méditerranéen. Mais il est bien difficile de pouvoir assimiler ces espèces à celles que nous connaissons
Après Théophraste, la botanique en tant que science disparaît complètement; car on ne peut pas véritablement qualifier de botanistes des auteurs, comme Dioscoride (60 ans environ ap. J.-C.), ou, à Rome, comme Pline l'Ancien (70 ans ap. J. -C.), qui ne comprenaient pas toujours les auteurs qu'ils copiaient, ou encore comme Columelle (50 ans ap. J.-C.), se bornaient à décrire les procédés agricoles usités de leur temps. On ne se désintéresse sans doute pas des plantes, mais cette situation durera tout de même pendant tout le Moyen Âge, et c'est seulement à la Renaissance que la botanique a véritablement pris son essor.
La frontière que l'on trace entre les derniers auteurs romains ou grecs et les premiers auteurs médiévaux est bien sûr tout artificielle, et, comme dans bien d'autres domaines, le Moyen âge, quand il aborde les plantes, s'inscrit dans une continuité d'autant moins engageante que depuis Théophraste peu de progrès avaient été faits dans les derniers siècles de l'Antiquité. Ainsi, bien que le Traité de matière médicale de Dioscoride se soit, avec l'Histoire des Plantes de Théophraste, partagé l'autorité scientifique dans l'étude des végétaux pendant tout le Moyen âge jusqu'au XVIe siècle, ni l'un ni l'autre ne saurait être considéré, de même que la partie de l'Histoire naturelle de Pline consacrée aux plantes, que comme une énumération plus ou moins bien présentée des faits botaniques connus des Anciens. Au point de vue de la constatation de cette connaissance, ces ouvrages présentent sans doute un intérêt réel, mais ils ne renferment aucune idée à même d'imprimer un élan au progrès des connaissances. Cela ne signifie pas qu'on s'en désintéresse pour autant. Les médecins arabes qui connurent un certain nombre de plantes médicinales ou économiques, tout comme dans les mondes byzantin et latin, on trouve des auteurs qui ont écrit, soit des poèmes sur les végétaux, soit des ouvrages plus spéciaux.
A partir du XVIe siècle, de même que toutes les autres branches de la science, devint l'objet de travaux assidus. La découverte de l'Amérique a sans doute aussi été déterminante pour ce qui concerne la botanique. Des missionnaires, des médecins, des voyageurs tels que Lopez de Gomara, F. Hernandez, Fernandez de Oviedo, Martin del Barco, Jérôme Benzoni, André Thevet, ont, les premiers, initiés aux richesses botaniques du Nouveau monde, et leurs ouvrages ont inauguré, pour la botanique, non pas l'ère de la renaissance comme on l'a dit, cette science n'ayant jamais été jusque-là bien cultivée, mais simplement une ère de progrès sans précédent.
L'une des plus importantes manifestations de ce développement fut la création de Jardins botaniques. C'est en Italie d'abord (cf. encadré ci-dessous), puis en Hollande, à Leyde en 1577, enfin en France à Montpellier en 1597 et à Paris en 1598, que furent successivement installées les premières collections de plantes vivantes.