GRADE DES BRYOPHYTES = MOUSSES ET ALLIÉES
1/ Caractères généraux
Les bryophytes (du grec bruon, mousse et phuton, plante), constituent le grade basal des Embryophytes ; ils comprennent :
- D’une part, les mousses Polytrics et Sphaignes ;
- D’autre part, les Hépatiques et les Anthocérotes.
Les premières ressemblent à de petites plantes feuillées ; chez les secondes, on rencontre des lames foliacées plus ou moins complexes qui rappellent le thalle des algues.
Ce sont de petites plantes de stations humides et marécageuses : elles abondent surtout dans les zones boréales et alpines et occupent souvent des emplacements que les autres plantes, plus exigeantes ne sauraient coloniser : elles constituent ainsi une part importante de la flore des rochers et des troncs d’arbres.
Les Sphaignes sont l’élément dominant des tourbières acides, sortes de marécages des régions tempérées froides.
Sporogone développés.
Funaire hygrométrique
A : jeune sporogone dont on ne remarque que la coiffe c, au sommet d’une tige feuillée g.
B : sporogone développé, on distingue la soie, la capsule f et le résidu de la coiffe c.
C : coupe longitudinale de la capsule t : tissu stérile de la base, s : assise des cellules-mères de spores, h :lacune aérifère, c : columelle, d : opercule, p : péristome.
Cycle de développement de la Funaire hygrométrique
Les mousses forment, dans les sous-bois frais, au voisinage des cours d’eau et des fontaines, d’abondants « tapis ». Parmi elles, on peut citer la Funaire hygrométrique, qui tire son nom de la sensibilité de l’appareil reproducteur aux variations de degré hygrométrique.
En définitive, l’aspect des bryophytes est varié mais, quelles que soient leurs formes, toutes naissent et se reproduisent suivant le même processus. Autrement dit, tout ce groupe de plantes est essentiellement caractérisé par son cycle de développement.
2/ Cycle de développement
Description :
Une spore à n chromosomes, petite masse sphérique et unicellulaire, émet un protonéma (de protos, premier et nema, fil) chlorophyllien, filamenteux ou lamellaire dont la structure rappelle une algue verte.
Sur ce protonéma naissent des bourgeons (Ce fait explique que de nombreuses bryophytes, notamment les Mousses, se développent en touffes, le même protonéma donnant naissance à plusieurs tiges feuillées.) qui forment soit des tiges feuillées (Mousses, Sphaignes), soit une lame ou thalle (hépatiques), puis le protonéma, organe transitoire, disparaît (Le protonéma est rudimentaire ou même absent chez les Hépatiques.)
Quand la tige feuillée (ou le Thalle) a pris un développement suffisant, il apparaît, généralement protégés par quelques replis ou feuilles, des organes mâles ou anthéridies et des organes femelles ou archégones (dans les espèces monoïques, les mêmes pieds portent des organes mâles et femelles ; dans les espèces dioïques, ce sont des pieds différents).
Les anthéridies, sphériques ou allongées, contiennent les anthérozoïdes (Les Anglo-saxons privilégient le terme de spermatozoïde comme pour les animaux), gamètes mâles toujours biciliés.
Les archégones, en forme de bouteille à long col allongé, contiennent le gamète femelle ou oosphère.
Les anthérozoïdes mûrs, libérés de l’anthéridie par gélification et rupture de la paroi, sont entraînés par des gouttes d’eau dans lesquelles ils se déplacent : à ce moment, l’organe femelle est ouvert au sommet et les cellules placées dans l’axe du col sont résorbées, laissant un canal, rempli de matière mucilagineuse, riche en glucose, laquelle attire par chimiotactisme les anthérozoïdes, leur permettant d’arriver jusqu’à l’oosphère.
Les noyaux mâles et femelle, à n chromosomes, fusionnent en donnant un œuf ou zygote à 2n chromosomes, lequel se divise aussitôt et se transforme en un jeune sporogone, tandis que la partie ventrue de l’archégone, constituant sa croissance, constitue une enveloppe qui le protège.
Le sporogone se compose :
- D’un pied, organe qui lui permet de rester fixé sur la plante feuillée ou le thalle ;
- D’un pédicelle ou soie, plus ou moins allongé, qui porte à son extrémité un sporange ou capsule (L’organisation de la capsule des Mousses est plus complexe. Notamment l’opercule en tombant démasque un orifice circulaire bordé d’une ou deux couronnes d’appendices, le péristome ; par temps sec, elles se retournent vers l’extérieur et permettent la dispersion des spores) s’ouvrent soit par un couvercle ou opercule, soit par des valves, libérant ainsi les spores. Ces spores se forment après une réduction dite chromatique (R.C) qui réduit le nombre des chromosomes de 2n à n :
R.C
X cellules mères des spores ------------> 4 x spores
(Haploïdes)
Les spores sont entourées d’une enveloppe commune de callose (chez quelques bryophytes on trouve à la place de la callose (substance amorphe proche de la cellulose), des polyosides acides jouant le même rôle, mais très vite la callose s’imposera comme filtre isolant les tétraspores de l’influence du sporophyte. À l’inverse, les tétraspores communiquent entre elles par des plasmodesmes, ce qui assure le synchronisme de leur développement) correspondant à la paroi de la cellule mère. L’individualisation de chacune des spores, laquelle précède leur dispersion, est assurée par une glucanase, enzyme hydrolysante.
Formation du sporogone chez les Mousses
Les parties correspondant au sporophyte sont hachurées.
Chaque spore possède une paroi double :
- Une à l’extérieur, l’exine épaisse, cutinisée à sporopollénine ;
- À l’intérieur, l’intine mince et cellulosique. Tombées sur le sol, les spores germent si les conditions leur sont favorables (chaleur, humidité…) :
- L’exine éclate ;
- L’intime s’allonge, fait hernie hors de l’exine ;
- Le noyau de la spore se divise, donnant bientôt naissance à un nouveau protonéma.
La séparation des sexes peut se faire dès la formation des spores, les unes donnant naissance à des individus adultes porteurs d’organes mâles, les autres à des adultes porteurs d’organes femelles. Le plus souvent elle se fait sur le protonéma dont certains bourgeons se différencient en individus mâles et d’autres en individus femelles. Enfin, elle peut n’avoir lieu qu’au stade de la plante adulte sur laquelle se différencient à la fois des anthéridies et des archégones.
Chez les mousses proprement dites, les sporogones s’allonge très fortement : l’enveloppe formée par l’archégone bien qu’accrescente se rompt et sa partie supérieure entraînée forme une coiffe sur le sommet du sporange, appelé communément urne ou capsule.
On résumera ainsi les différents stades du cycle reproducteur des bryophytes :
3/ Particularités du cycle de développement
3 points sont à souligner :
- La fécondation est aquatique – Le déplacement des anthérozoïdes ciliés jusqu’à l’oosphère nécessite la présence d’eau, ce qui lie les bryophytes aux lieux humides. Ainsi, les bryophytes qui ont été au cours de l’évolution les premières plantes vraiment terrestres, gardent encore, dans leur cycle reproductif, la trace de leur origine aquatique. Il est d’ailleurs à remarquer qu’au cours de l’évolution, les innovations portent d’abord sur l’appareil végétatif (passage ici, du thalle à un axe dressé) tandis qu’une grande fixité s’observe au niveau de l’appareil reproducteur (maintien des anthérozoïdes ciliés) comme la nature craignait de modifier trop rapidement les mécanismes de la reproduction, fonction essentielle de la survie du groupe.
- La phase diploïde (sporophyte) est très courte, réduite au sporogone – de plus, elle reste en relation physiologique étroite avec le gamétophyte sur lequel elle se développe.
- Le gamépophyte est représenté par des organes végétatifs peu différenciés – Les organes végétatifs sont à n chromosomes, ce qui limite leur importance : en effet, les structures vivantes à n chromosomes sont généralement de petite taille et peu différenciées. Les bryophytes n’échappent pas à cette règle : ce sont des plantes de quelques centimètres (Quelques espèces, sous les tropiques, dépassent toutefois 1 m. de longueur.), en général peu différentes et dépourvues de racines, la fixation au sol étant assurée par de fins filaments, les rhizoïdes.
4/ Classification
La figurer ci-dessous montre l’emboîtement successif des trois sous-embranchements : les Hépatiques ou Marchantiophytes, les Anthocérotes ou Anthocérophytes et les Mousses au ou Bryophytes ; ce dernier est le groupe frère des Plantes vasculaires ou Trachéophytes.
Les Hépatiques (9600 espèces) ont, pour deux tiers d’entre elles, un aspect feuillé, comme les mousses ; les autres se limitent à une lame foliacée ou thalle qui présente souvent des lobes comme un foie, d’où leur nom.
Cladogramme des bryophytes
a : premières stomates ;
b : apparition d’ébauches d’éléments conducteurs ;
c : sporophyte dominant et ramifié.
Il n’y a pas de stomates, ni sur le sporogone, ni sur le thalle, bien que les pores permettent les échanges gazeux chez plusieurs espèces. Un marqueur chimique, l’acide lunatique, caractérise le groupe.
Les Anthocérotes, petit groupe d’une centaine d’espèces longtemps rattaché aux Hépatiques, marqué par l’apparition des stomates aussi bien sur le gamétophyte que sur le sporophyte ; l’archégone, très protégé, est inclus dans les tissus du gamétophyte ; le sporophyte est capable d’une certaine croissance en hauteur grâce à un méristème basal. Comme les algues et à la différence des Mousses et Hépatiques, ils ne synthétisent pas d’anthocyanes.
Les Bryophytes (il s’agit ici du clade des Bryophytes (au sens strict) et non du grade des bryophytes (au sens large)) comportent les Polytrics, les mousses proprement dites (15 000 espèces) et les Sphaignes (150 espèces) : ce clade est marqué par l’apparition d’ébauche de tissus conducteurs.
Dans tous cas, la plante prend ici l’aspect d’une tige feuillée. C’est une apparence, tige et feuilles ne sont pas comparables à celles des autres végétaux terrestres.
- Il s’agit d’abord d’un gamétophyte, phase dominante du cycle des bryophytes.
- La « tige » est un simple cordon revêtu d’un épiderme faiblement cutinisé. Des cellules allongées, les hydroïdes spécialisées dans le transport de l’eau et les leptoïdes dans celui des molécules issues de la photosynthèse, apparaissent seulement chez certaines Mousses tropicales et les Sphaignes.
- Les « feuilles » sont de simples émergences de la tige constituées d’une seule assise de cellules chlorophylliennes, excepté dans la région médiane ou deux ou trois épaisseurs de cellules simulent une nervure. « Tige » et « feuille » sont dépourvues de stomates. Des anthocyanes assurent une protection contre les U.V., mais leur variété structurale est encore faible.
- Petite taille et faible différenciation sont liées. Chez ces plantes où il n’y a ni racines permettant d’aller chercher en profondeur l’eau et les sels minéraux, ni stomates assurant par transpiration un mouvement des liquides, seule la capillarité intervient. Cette dernière ne peut avoir lieu que sur quelques centimètres et en présence d’un film liquide baignat au moins les parties inférieures de la plante. Les Mousses seront ainsi de petite taille et localisées aux lieux humides et cela d’autant plus que leur reproduction par anthérozoïdes ciliés dépend de l’eau.
- En revanche, le sporogones, organes à 2n chromosomes, présente un épiderme muni de stomates et, au niveau de la soie, une ébauche de tissu conducteur.
5/ Écologie et importance des bryophytes
L’importance écologique des bryophytes a longtemps été sous-estimée. Présentes aussi bien dans les régions arctiques que dans les forêts tempérées et tropicales (riches en espèces épiphytes), elles y stockent l’eau par capillarité ; en montagne elles interviennent dans la fonte des neiges.
Certaine Bryophytes colonisent des lieues particulièrement arides, comme les toits, des pentes montagneuses… Cette apparente contradiction s’explique par une particularité remarquable, la reviviscence, c’est-à-dire de pouvoir se déshydrater et s’hydrater de façon réversible. Cette particularité se rencontre chez quelques êtres vivants comme les Infusoires, les Rotifères ; nous ne la retrouverons pratiquement plus chez les plantes supérieures (Quelques rares Angiospermes, telle la Ramondie des Pyrénées (Gesnériacées) sont reviviscentes).
Les tourbières acides, qui couvrent plus de un pour cent de la surface terrestre sont le domaine des Sphaignes. Ces « plantes-éponges » retiennent jusqu’à 7 fois leur poids d’eau ; elles vivent en colonies et leurs débris mal décomposés (en raison du froid, de la faible oxygénation, de l’acidité du milieu…) forment, compactés, des épaisseurs de tourbe pouvant atteindre plusieurs mètres. La tourbe séchée est utilisée pour le chauffage ; en horticulture pour l’amendement des sols… L’exploitation de ces ressources non renouvelables, le drainage, le boisement et l’apport d’engrais dans les champs environnants, on fait disparaître de nombreuses tourbières à Sphaignes et leur flore originale.
Les Bryophytes ont sans doute été, au Silurien, les premières plantes à passer de l’eau à la terre ferme ; elles jouent encore ce rôle pionnier dans certaines conditions extrêmes, ombrage en sous-bois, substrats très pauvres et humides, rochers, écorces, souvent accompagnées de lichens avec lesquels elles initient la formation d’humus.
De nombreuses espèces, sensibles aux variations de l’environnement, se comportent comme des bioindicateurs ou des bioaccumulateurs de la pollution.
Bryophytes
A et B Marchantia. A : fragment de « thalle » portant un anthéridiophore produisant des anthéridies. B : Archégoniophore portant les archégones puis les sporophytes, encore plus réduits que chez les mousses. Chez les Hépatiques, les spores sont entremêlées de filaments stériles (détail en jaune, B’) ou élatères (du grec, elatêr : qui disperse) : ce sont des cellules mortes pourvues d’épaississements en spirale et capables de brusques mouvements de détente qui assurent la dissémination des spores. C. Sphaigne avec sporocarpe porté par un pied court. D. Mousse argentée portant des sporocarpes verts surmontés d’une coiffe orangée.