CORYNÉFORME
Le terme de diphtéroïde ou de corynéforme regroupe un ensemble hétérogène de bacilles à Gram positif : 20 genres bactériens y sont inclus. Parmi les espèces pathogènes, Corynebacterium diphtheriae est le germe toxinogène agent de la diphtérie. Les autres espèces sont des bactéries des flores normales, pathogènes opportunistes.
Toutes les espèces de corynébactéries et corynéforme décrites ci-dessous correspondent, à l'exception de Corynebacterium diphtheriae qui est l'agent d'une maladie infectieuse bien définie, à des bactéries opportunistes provoquant des infections principalement chez des malades immunodéprimés.
Certaines espèces décrites ci-dessous ne sont pas rarement isolées au laboratoire mais leur rôle pathogène n'est pas toujours aisé à établir.
ÉCOLOGIE
La plupart de ces bactéries appartiennent à la flore normale de la peau ou des muqueuses de l'Homme. Certaines espèces sont plus spécialement isolées du nasopharynx. Corynebacterium diphtheriae est présent dans le rhinopharynx à l'état de portage.
CORYNEBACTERIUM DIPHTHERIAE
LA TOXINE DE CORYNEBACTERIUM DIPHTHERIAE
C'est une protéine, formée d'une seule chaîne peptidique, sécrétée par les souches pathogènes de Corynebacterium diphtheriae. Sa sécrétion est génétiquement liée à la lysogénie par un prophage "ß" mais physiologiquement elle est sécrétée quand le fer est faiblement accessible aux bactéries (le fer est un corépresseur de la synthèse).
La toxine est clivable en deux fragments. Le fragment A possède une activité enzymatique responsable de l'effet toxique mais n'est pas toxique seul ; il ne se fixe pas aux cellules humaines et n'est pas neutralisé par les anticorps antitoxine diphtérique. Le fragment B n'a aucune activité pris isolément ; il possède un site de fixation aux cellules, est nécessaire à la pénétration de A et est reconnu par les anticorps antitoxine diphtérique. Le fragment B se fixe donc sur les cellules et permet l'internalisation du fragment A. L'effet observé sur les cellules est l'arrêt de la synthèse protéique, le déterminisme en est la dégradation enzymatique du facteur d'élongation EF-2. La destruction locale de l'épithélium qui résulte de l'action de la toxine entraîne l'exsudation sérique et la formation de coagulums fibrineux. Le résultat est la fausse membrane riche en bacilles, en polynucléaires et en cellules nécrosées. La toxine est absorbée par les tissus et diffuse. Des lésions du myocarde se constituent (dégénérescence graisseuse et fibrose) ainsi qu'une dégénérescence des nerfs crâniens et périphériques. Les cellules des cornes antérieures de la moelle épinière et les racines nerveuses antérieures et postérieures sont éventuellement touchées. Au niveau rénal il y a constitution d'une néphrite interstitielle réversible avec infiltration cellulaire.
La mise en évidence de la toxine produite par une souche peut être faite par des méthodes biologiques (pouvoir pathogène expérimental chez le cobaye) mais les méthodes immunologiques sont actuellement préférées. Le test d'Elek recherche une précipitation en milieu de culture gélosé entre un anticorps antidiphtérique et la toxine produite dans la gélose par la souche cultivée.
La toxine peut être rendue non fonctionnelle par action de la chaleur et de l'aldéhyde formique sans que les déterminants immunologiques soient modifiés. Ceci correspond à une polymérisation mettant en jeu des résidus L-Lysine de plusieurs molécules. L'anatoxine ainsi obtenue est non toxique mais immunogène ; c'est la base de la fabrication du vaccin antidiphtérique.
AUTRES CORYNEBACTERIUM et corynéforme
CORYNEBACTERIUM JEIKEIUM
Cette espèce correspond aux anciennes corynébactéries du "groupe JK" et les infections dues à cette espèce sont connues surtout depuis le début des années 80. Elles surviennent principalement chez des patients immunodéprimés (surtout cancéreux), hospitalisés depuis longtemps, porteurs de cathéters, et subissant une antibiothérapie à large spectre. Corynebacterium jeikeium est responsable le plus souvent d'endocardites infectieuses chez des patients ayant des prothèses de valves cardiaques, mais il a été décrit de rares cas d'endocardites infectieuses sur cœurs sains. Un quart des patients granulopéniques ayant une septicémie à Corynebacterium jeikeium présentaient une infection cutanée ou des tissus mous.
La colonisation de la peau par Corynebacterium jeikeium au niveau inguinal, axillaire et rectal est la plus fréquemment rencontrée en milieu hospitalier. La transmission du germe par les mains est démontrée ainsi que la possibilité d'une contamination aérienne. La plupart des souches de Corynebacterium jeikeium sont très résistantes aux antibiotiques. Elles sont toujours sensibles à la vancomycine et à la téicoplanine, parfois au chloramphénicol, à la minocycline et aux fluoroquinolones.
CORYNEBACTERIUM UREALYTICUM
Aussi connues sous le nom de corynébactéries du "groupe D2", elles sont actuellement reconnues responsables d'infections urinaires survenant chez des sujets âgés, immunodéprimés, porteurs de sonde à demeure ou ayant subi une intervention chirurgicale sur les voies urinaires. Elles peuvent conduire à des affections graves telles que lithiases, cystites alcalines incrustées, pyélonéphrites et endocardites. Elles peuvent être isolées aussi de nombreux sites en dehors du tractus urinaire mais leur rôle pathogène est difficile à établir. Les facteurs de pathogénicité connus pour Corynebacterium urealyticum sont les propriétés d'adhésion des bactéries aux cellules épithéliales urinaires et la très forte activité uréasique de cette bactérie.
Les infections urinaires à Corynebacterium urealyticum peuvent être acquises à l'hôpital. Ces corynébactéries sont retrouvées sur la peau saine d'un tiers des patients hospitalisés. Elles pénètrent dans le tractus urinaire lors d'explorations urologiques. Corynebacterium urealyticum est toujours sensible à la vancomycine et à la téicoplanine, quelquefois aux fluoroquinolones (ciprofloxacine, ofloxacine), aux macrolides ou aux tétracyclines.
AUTRES ESPÈCES
De façon plus exceptionnelle, les autres espèces de corynébactéries peuvent provoquer des infections systémiques ou localisées graves. Corynebacterium xerosis, commensal des sites cutanéomuqueux, a été rarement reconnu responsable d'endocardites, d'arthrites septiques ou d'ostéomyélites vertébrales chez des patients ayant des antécédents chirurgicaux. Corynebacterium striatum a été exceptionnellement impliqué dans des cas d'infections pleuropulmonaires. Considéré comme agent responsable de l'érythrasma en raison de la fluorescence rouge que peuvent présenter ses colonies, le rôle de Corynebacterium minutissimum dans la maladie semble remis en question. On connaît aussi des endocardites à Corynebacterium pseudodiphtheriticum sur cur lésé et des pharyngites à Corynebacterium ulcerans. Corynebacterium pseudotuberculosis est un pathogène typiquement animal.
LES CORYNEFORMES
Arcanobacterium haemolyticum est un germe pathogène isolé de la gorge, de lésions de la peau et rarement d'infections systémiques telles que septicémies ou méningites. Deux toxines extracellulaires sont sécrétées par Arcanobacterium haemolyticum : une phospholipase D attaquant la sphingomyéline des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, et une neuraminidase. Rhodococcus equi provoque des infections pulmonaires et des septicémies principalement chez des malades immunodéprimés ou des patients atteints de SIDA. Rhodococcus equi est un germe sensible à la pénicilline G, aux tétracyclines, aux aminosides, mais l'érythromycine et la rifampicine sont plus actifs et agissent en synergie sur ce germe intracellulaire.