Le permafrost (ou pergélisol) est un terme géologique qui désigne un sol dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant plus de deux ans consécutifs. Il représente 20% de la surface terrestre de la planète. Le permafrost est recouvert par une couche de terre, appelée « zone active », qui dégèle en été et permet ainsi le développement de la végétation.
Fonte du permafrost et réchauffement climatique : un cercle vicieux.
Particulièrement présent en Alaska et en Sibérie, le permafrost est victime du réchauffement climatique. Les températures moyennes en Sibérie auraient augmenté de 2 à 3 degrés ces trente dernières années, provoquant son dégel partiel. Des chercheurs russes et américains ont ainsi mis en évidence que sur une zone plus étendue que la France et l’Allemagne réunies, le permafrost est en train de fondre pour la première fois depuis la fin du dernier âge glaciaire, il y a 11 000 ans.
La fonte du permafrost crée de graves problèmes pour les populations locales : affaissement de terrains, déformation des routes, rupture des oléoducs… Outre ces conséquences matérielles, les scientifiques s’inquiètent des effets climatiques du dégel du permafrost. En effet, cette couche gelée depuis des milliers d’années contient d’énormes quantités de matière organique essentiellement composée de carbone et de méthane. Le processus de dégel pourrait contribuer à libérer des milliards de tonnes de méthane dans l’atmosphère. Or le méthane est un gaz à effet de serre très actif, en partie responsable du réchauffement climatique.
Le permafrost en un chiffre
De nouvelles simulations du centre national pour la recherche atmosphérique (NCAR) montrent que plus de 50% des territoires recouverts de cette couche supérieure de permafrost pourraient fondre d’ici 2050. Ce pourcentage risque d’atteindre 90% d’ici 2100.
Le permafrost dans l'actualité
Le traitement des émissions de méthane doit être envisagé afin de pouvoir tirer de ce gaz de l’énergie de chauffage ou d’en faire de l’électricité. Total, Gaz de France et l’Institut français du Pétrole se sont par exemple associés au CNRS pour subventionner un laboratoire chargé d’expérimenter un procédé d’extraction du méthane contenu dans la glace par des injections d’eau chaude dans les couches profondes, et sa récupération sous forme gazeuse.
La fonte du permafrost menace la lutte contre le réchauffement climatique
Le permafrost couvre environ 25% des terres de l'hémisphère nord, notamment en Russie et au Canada. Ici une photo prise dans l'Arctique, au Canada, le 7 décembre 2014.
La fonte du permafrost, en libérant des gaz à effet de serre, pourrait mettre à mal les efforts entrepris pour limiter le réchauffement climatique, selon une étude publiée lundi.
Cet accord conclu en 2015 prévoit de contenir ce réchauffement sous 2°C, voire 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle.
Pour y parvenir, les Etats se sont engagés à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles. Mais la Terre pourrait faire des siennes et contrecarrer ce projet.
Des experts de l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), basé en Autriche, ont inclut pour la première fois les émissions de gaz à effet de serre qui pourraient être relâchés par le permafrost, ces sols gelés en permanence, dans des modélisations du changement climatique. Le résultat est inquiétant.
Le permafrost couvre environ 25% des terres de l'hémisphère nord, notamment en Russie et au Canada. Les quantités de méthane et de CO2 qu'il emprisonne correspondent à environ 15 années d'émissions humaines.
"Par le passé, le changement climatique n'était pas suffisant pour déclencher le processus de dégel dans les hautes latitudes", explique Thomas Gasser, chercheur à l'IIASA et auteur principal de l'étude parue dans Nature Geoscience.
Avec des températures moyennes supérieures de 1°C par rapport à l'ère préindustrielle, le permafrost a commencé à fondre, mais lentement.
Le phénomène va toutefois s'accélérer avec le réchauffement de la planète. D'autant que le monde n'est pas sur la bonne trajectoire pour respecter les objectifs de l'accord de Paris, qui pourraient être dépassés à court ou moyen terme.
Selon cette étude, avec la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre relâchées par le permafrost, l'objectif de 1,5°C serait déjà hors de portée.
"Nous devons nous préparer à l'éventualité que nous ne puissions peut-être jamais revenir à des niveaux plus sûrs concernant le réchauffement", avertit M. Gasser.
Un problème des objectifs de l'accord de Paris est qu'ils reposent sur l'hypothèse que le taux de CO2 dans l'atmosphère et les températures vont évoluer au même rythme, selon le scientifique. Autre faiblesse: l'accord table sur le captage et le stockage du CO2, des techniques qui ne sont pas encore au point.
Le permafrost pourrait connaître ce que les scientifiques appellent un point de basculement: au-delà d'une certaine hausse des températures, il continuera à fondre et à relâcher des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, peu importe la baisse des émissions.
"Il existe le danger que, plus nous allions de l'avant, plus nous risquions de déclencher des phénomènes que nous ne comprenons pas", avertit M. Gasser.
Russie: dans le permafrost, virus et bactéries attendent le dégel
Le réchauffement climatique va-t-il provoquer le retour de la variole ? Les cas récents d'anthrax dans le Grand Nord russe ont révélé les dangers sanitaires liés à la fonte du permafrost, ces sols gelés où sont piégés des virus redoutables depuis parfois des millénaires.
On connaissait l'effet dramatique du dégel du permafrost, sols gelés de manière permanente en profondeur, pour les modes de vie et les écosystèmes.
Les habitants de la péninsule de Yamal, à 2.500 kilomètres au nord-est de Moscou, ont subi une conséquence très concrète de leur fonte.
Un enfant y est mort et 23 autres personnes ont été infectées par l'apparition fin juillet de la maladie du charbon, appelée aussi anthrax, pourtant disparue depuis 75 ans dans cette région.
Pour les scientifiques, l'origine remonte très probablement au dégel d'un cadavre de renne mort de l'anthrax il y a plusieurs dizaines d'années. Libérée, la bactérie mortelle, un bacille facilement disséminé sous forme de spores, a ensuite infecté des troupeaux de rennes, nombreux dans la région.
"Est-ce qu'un tel processus peut se répéter? Bien sûr", a prévenu lors d'une récente conférence de presse Boris Kerchengoltz, chercheur spécialiste à l'Institut russe des problèmes biologiques du permafrost.
La Russie se réchauffe 2,5 fois plus vite en moyenne que le reste du monde et ce changement climatique est encore plus rapide en Arctique.
- Virus géants dans des mammouths -
A Yamal, péninsule peuplée surtout d'éleveurs nomades de rennes et située entre la mer de Kara et le golfe de l'Ob, les températures ont dépassé de 8 degrés la normale saisonnière en juillet, approchant 35 degrés.
"Nous parlons d'un endroit au delà du cercle polaire", observe Sergueï Semenov, directeur de l'Institut russe du climat. "C'est une anomalie sans précédent".
Pour les scientifiques, la menace est loin de se limiter à l'anthrax.
Examens médicaux à Yar-Sale, dans le Grand Nord russe, où un enfant est mort de la maladie du charbon fin juillet
"Il y a des restes de variole" dans le Grand Nord datant de la fin du XIXe siècle et les chercheurs ont découvert des "virus géants" dans des dépouilles de mammouths, actuellement étudiés, a expliqué Viktor Maléïev, directeur adjoint de l'Institut de recherche russe d'épidémiologie.
"Je pense que le changement climatique va nous apporter bien des surprises", a-t-il averti. "Je ne veux effrayer personne mais nous devrions y être prêts".
Pour cet expert, la propagation des cas d'anthrax aurait pu être mieux contenue si les rennes avaient été vaccinés massivement.
-'Signal d'alarme' -
Dmitri Kobylkine, le gouverneur de la région Yamalo-Nenetski, où plus de 2.000 rennes sont morts cet été, a indiqué que les vaccinations avaient cessé il y a une dizaine d'années, peut-être parce qu'on pensait que l'anthrax avait disparu depuis assez longtemps. "Une très grave erreur", a-t-il reconnu.
Il a estimé la zone affectée (celle contaminée à laquelle s'ajoute une zone tampon) à 12.650 km². "La désinfection se poursuivra tant que les analyses du sol n'auront pas montré qu'il n'y plus d'anthrax", a assuré le responsable.
Plus de 1.500 personnes ont été vaccinées et plus de 700 personnes à risque doivent prendre des antibiotiques, selon les autorités locales. Environ 270 soldats ont été déployés pour incinérer les dépouilles des animaux infectés.
Opérations de désinfection à Yar-Sale, dans la péninsule russe de Yamal, où des troupeaux de rennes ont contracté la maladie du charbon
Il s'agit d'un dispositif sans précédent en Russie "aussi bien en termes d'échelle que de complexité", a estimé le gouverneur. "Nous n'avions jamais envisagé une telle menace bactériologique", a-t-il reconnu.
Les scientifiques déplorent qu'à la place d'investir dans la recherche sur le changement climatique, les autorités réduisent les budgets alloués à la science et ne dépensent pratiquement plus que pour répondre aux situations d'urgence.
Valéri Malinine, océanologue de l'Institut russe d'hydrométéorologie, rappelle qu'un programme de recherche sur le climat avait été mis en place en 2010, quand une fumée suffocante a saisi Moscou à la suite d'incendies.... Avant d'être "de fait enterré", déplore le chercheur.
"Quand on est confronté à des phénomènes de destruction, on pense toujours qu'il aurait fallu les éviter, mais dès que les passions retombent, on oublie tout", regrette-t-il. "Yamal n'est qu'un signal d'alarme: la nature va continuer de nous défier".