Esca
L'Esca est aujourd’hui la maladie du bois de la vigne la plus préoccupante. Cette maladie est présente dans de nombreux pays viticoles où elle provoque le dépérissement des ceps de vigne conduisant progressivement à leur mort. Connue des viticulteurs européens depuis très longtemps, on lui a aussi attribué les noms d'apoplexie ou de folletage car elle provoquait la mort soudaine du cep en période estivale. L'incidence de cette maladie est très importante dans de nombreux vignobles, c'est le cas en France où il n'est pas rare de constater des parcelles atteintes à plus de 50 % de pieds malades.
Les premiers travaux réalisés en France impliquant une origine parasitaire de l'Esca datent de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle, avec la description de deux champignons basidiomycètes : Stereum hirsutum et Phellinus igniarius. Depuis, de nombreux travaux effectués en France et à l'étranger ont permis de mieux décrire les symptômes et les agents microbiens associés à ce dépérissement. Aujourd’hui, les principaux champignons associés à l'Esca jusqu'à présent sont : Phaeomoniella chlamydospora, Phaeoacremonium aleophilum et Fomitiporia mediterranea (anc. Phellinus). Eutypa lata, selon les régions, peut également contribuer au développement des nécroses d’Esca. Ajoutons, que plusieurs espèces de Botryosphaeria, longtemps considérés comme des champignons saprophytes (autrefois appelés Sphodropsis) mais fréquents dans le bois de ceps atteints d'Esca, peuvent être aussi impliqués dans cette maladie.
Enfin, des études récentes utilisant des méthodes microbiologiques conventionnelles ou moléculaires suggèrent que l'Esca serait associé, non pas seulement à quelques champignons, mais plutôt à une communauté microbienne beaucoup plus large regroupant des champignons et des bactéries dont certaines susceptibles de participer à la dégradation du bois. L’inoculation dans le bois des principaux champignons associés à l’Esca permet de reproduire aisément des lésions nécrotiques. Par contre les symptômes foliaires n'ont été observés que partiellement et au vignoble. Aussi, la plupart des chercheurs considèrent aujourd'hui que le postulat de Koch n'a pas encore été complètement satisfait, suggérant que tous les facteurs conduisant à l'expression des symptômes de ce dépérissement ne sont pas encore connus.
Symptômes de l'Esca
L'Esca est un syndrome caractérisé par l'expression souvent irrégulière de symptômes sur les organes herbacés tels que des anomalies de coloration et des dessèchements et par la présence de désordres vasculaires et de nécroses dans le bois, à caractère évolutif.
Ce syndrome a le plus souvent été décrit selon la vitesse de développement des symptômes foliaires en deux formes distinctes, une forme lente et une forme apoplectique. Mais des observations récentes tendent à montrer que ce syndrome peut aussi être décrit selon un gradient de sévérité allant de quelques feuilles symptomatiques au cep entier foudroyé avec de nombreux stades intermédiaires affectant un ou plusieurs sarments, un ou plusieurs bras.
Les symptômes foliaires consistent soit en des plages décolorées au niveau du limbe, soit en des zones desséchés et nécrosées inter-nervaires à l'origine de l'aspect tigré des feuilles (figure 1), ou les deux simultanément. Quand les feuilles sont très altérées, elles peuvent se dessécher entièrement et se détacher des rameaux. Les baies présentent parfois un retard de maturité, ou flétrissent, ou encore présentent des petites taches brunes ou violacées à leur surface.
Une coupe transversale des ceps présentant des symptômes foliaires d'Esca permet d'observer diverses lésions nécrotiques dans le bois (figure 4) :
- la présence d'amadou ; le bois particulièrement dégradé présente une « pourriture » blanche, dont la teinte peut être aussi jaune voire marron très clair. Les tissus affectés sont aussi tendres et friables ;
- des nécroses centrales, sectorielles ou mixtes, souvent associées à de l'amadou. Les lésions en position centrale peuvent être bordées d'un liseré foncé ou de tissus brun rose;
- des ponctuations ou lignes noires au sein du bois fonctionnel.
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Figure 1
Figure 2
Figure 3
Figure 4
Après avoir retiré l'écorce et les tissus superficiels, il est possible d'observer un désordre vasculaire sous la forme de rayures superficielles jaunes orangées (figures 2 et 3) dans le prolongement de sarments présentant des symptômes foliaires. Soulignons que ces dommages vasculaires sont, à terme, colonisées par de nombreux envahisseurs opportunistes, dont plusieurs espèces de Botryosphaeria spp. C'est pour cette raison que ce symptôme très singulier et ignoré pendant de décennies avait été associé au black dead arm.
Notons que la quantité de lésions nécrotiques présentes dans les souches, leur volume et leur localisation influencent favorablement l'expression foliaire de l'Esca.
Protection au vignoble
Lutte contre l’Esca
Comme pour l'eutypiose, il n'existe pas de méthodes curatives permettant d'éradiquer les champignons dans le bois. Voici quelques mesures conseillées en complément des mesures utiles dans la lutte contre l’eutypiose.
En pépinière ou avant plantation :
- mettre en place des vignes mères à partir de plants contrôlés et assainis (thermothérapie, traitement fongicide …) ;
- ne pas utiliser la partie basale (susceptible d'être déjà contaminée) ou apicale (mal aoûtée) des rameaux servant à la conception des greffons ;
- limiter la durée d'exploitation des vignes mères ;
- bien respecter les procédures de greffage, vérification de la qualité des soudures, tri méthodique et sévère des plants affaiblis ;
- ne pas entreposer les plants trop longtemps au froid avant la commercialisation ou la plantation
- ne pas fertiliser de façon excessive ;
- identifier au vignoble les parcelles favorables à l'expression des maladies du bois pour ensuite y privilégier la plantation des variétés tolérantes.
Au moment de la plantation :
- ne pas laisser trop longtemps les racines immergées dans l'eau en attendant la plantation ;
- éviter les plantations tardives (en période de fortes chaleurs) ;
- arroser convenablement les jeunes plants en fonction de l’époque ;
- éviter les sols naturellement riches engendrant de la vigueur.
Après la plantation :
- choisir un mode conduite et une densité/ha qui permettront la formation de bras d'une longueur suffisante ;
- bien former les troncs des jeunes ceps, éviter les déséquilibres d'appels de sève ;
- ne pas vouloir entrer trop tôt en production ;
- généraliser la taille tardive pour les cépages sensibles (sauf dans les régions concernées par la nécrose bactérienne) ;
- tailler par temps sec et éviter les plaies trop rases (facilitées par l'usage du sécateur électrique) et préférer des tailles avec un empattement (chicot) qui retardera la formation des cônes de dessèchement ;
- préférer les modes de taille respectant les mêmes trajets de sève d'une année sur l'autre
L’Esca est une des plus anciennes maladies de la vigne, les Romains avaient déjà remarqué sa présence sur les ceps de l’époque.
C’est une maladie cryptogamique due à des champignons parasites qui se traduit par des symptômes rendant la maladie reconnaissable.
Longtemps attribuée aux champignons Fomitiporia punctata (ou F. mediteranea) et Stereum hirsutum qui sont des champignons à dissémination aérienne et qui pénètrent par les plaies de taille, on considère actuellement que trois autres agents sont impliqués dans ce processus : Phaeoacremonium aleophilium, (Pal) Phaeomoniella chlamydospora (Pch) et Eutypa lata qui sont également des champignons à dissémination aérienne. Il s’agit donc d’une maladie très complexe et les rôles respectifs des différents agents restent à ce jour mal connus. La conservation se fait sur des ceps malades ou morts mais d’autres espèces ligneuses peuvent abriter ces champignons.
Biologie et modes de propagation
La dissémination des spores semble avoir lieu pendant la période végétative pour Pal et toute l’année pour Pch. Le champignon pénètre dans le tronc et le bras par les plaies de la taille, humides et récentes (notamment lors de périodes hivernales douces et pluvieuses). À l'intérieur du cep, les champignons désorganisent les cellules. Ils détruisent aussi le bois, tuant d'abord les parties imprégnées puis par le développement d'un mycélium à l'intérieur même du bois mort qui détruit la lignine. Le bois devient alors mou et friable formant un tissu spongieux et jaunâtre comparable à de l'amadou. La progression du mycélium se fait de manière centrifuge, de proche en proche. Leur propagation par greffage est possible. Comme dans le cas de l’eutypiose, les symptômes peuvent apparaître ou non d’une année sur l’autre.
C'est durant différents travaux opérés sur la vigne (taille sèche, épamprage, rognage) que des plaies sont occasionnées et ces dernières permettent aux champignons de s’introduire dans les pieds et de les infecter.
Présence sur les sarments
La dissémination de Pch peut également se faire pendant la période végétative de la vigne. Sa présence sur les sarments pourrait jouer un rôle considérable dans la contamination des plants lors de leur élaboration en pépinière.
Pch et Pal peuvent être présents à l’intérieur des sarments issus de vigne mère. La propagation par les bois destinés à la pépinière est donc tout à fait possible. Il semblerait toutefois que celle-ci soit peu importante pour les deux champignons pionniers de l’Esca (Pch et Pal) qui ne sont isolés uniquement à proximité de la tête de souche. Les scientifiques seraient tentés de penser que la propagation des champignons de l’Esca par les bois de porte-greffe est très faible. Mais vu la réalité des symptômes dans le vignoble, il faut envisager la possibilité que des contaminations ne s’effectuent que sur la jeune plantation par le milieu environnant.
La contamination se fait notamment via des plaies de taille lors de périodes hivernales douces et pluvieuses. Leur propagation par greffon, porte-greffes ou greffés-soudés est possible ou encore dans le substrat lors de la stratification en pot. On peut supposer qu’il est apporté par du matériel contaminé à sa surface ou infecté.
La vigueur peut s’avérer être un problème non négligeable car elle occasionne des plaies de taille plus importantes et, par conséquent, plus d’entrées potentielles pour les champignons précurseurs de l’Esca.
Conditions favorables à son développement
- La chaleur : 20 à 30 °C, ce qui explique l'importance de cette maladie en zone méditerranéenne.
- L'humidité : elle doit être supérieure à 60 % et fournie par le bois vivant à côté du bois mort.
- L’absence d'oxygène : ces champignons sont anaérobies.
- La transformation des ceps : modification du mode de conduite.
Maladies voisines de l’esca
L’eutypiose est une maladie voisine de l’Esca, mais aux symptômes différentiables :
- sur le bois, la nécrose est de consistance dure ;
- quant aux feuilles, elles sont nécrosées, contrairement à l’Esca.
Le Black Dead Arm est bien plus proche encore de l’Esca.
Moyens de lutte
Durant des années, la lutte contre l'Esca passait par l'épandage d'arséniate de plomb, jusqu'en 1971, puis d'arséniate de sodium jusqu'à son interdiction, en France et en Europe, en 2001. Outre leur toxicité intrinsèque, ces produits ont contribué à contaminer les terres cultivées en métaux lourds : arsenic, plomb. Une étude faite par la mutuelle sociale agricole en 2000 a montré que les protections utilisées par les viticulteurs se révélaient insuffisantes face à la toxicité.
Les cépages sensibles n'ont pas tardé à montrer des symptômes et les cépages dits tolérants ont suivi. Certaines régions montrent des taux d'attaque alarmants. Les mesures prophylactiques ne semblent pas avoir la même efficacité que contre l'eutypiose.
La méthode de taille de la vigne Guyot Poussard permettrait de lutter contre la prolifération de l'Esca.
Une autre méthode qui commence à montrer ses preuves est appelée « curetage ». Il s’agit, à l’aide d’une tronçonneuse d’enlever la partie du cep où se trouve le bois mort en suivant les flux de sève. Cette méthode montre des résultats très encourageants, notamment à Sancerre où est planté du sauvignon très sensible à la maladie.